De la surenchère encore et toujours : taxation des exilés fiscaux.
Une riposte « symbolique » pour les experts face à François Hollande pas plus crédible.
Dernière bombe fiscale lâchée dans la campagne électorale, la taxation des exilés fiscaux français promise par Nicolas Sarkozy fait figure aux yeux des experts de mesure avant tout symbolique, riposte au super-impôt sur les hyper-riches de François Hollande.
« Cela représenterait quelques dizaines de millions d’euros » de revenus pour les caisses de l’État, « on est dans le symbole alors que la France doit trouver 20 milliards d’euros rapidement pour réduire ses déficits publics« , avance Christian Saint-Étienne, professeur à l’Université Paris-Dauphine.
« Ça peut aller très vite, il suffit de renégocier quelques conventions avec des pays frontaliers« , réplique l’entourage du président candidat de l’UMP qui reconnaît que les seuils de cet impôt restent à fixer et qu’il « y a encore du travail à faire » pour en évaluer le rendement.
Sur le fond, l’équipe de son adversaire socialiste n’est pas loin d’approuver l’initiative, jugeant « anormal » que « de grandes fortunes françaises s’exonèrent de l’effort de redressement financier de notre pays en le quittant pour échapper à l’impôt« .
Elle travaille sur une mesure similaire, poursuit Thomas Chalumeau, S’il remportait la présidentielle, Nicolas Sarkozy a annoncé lundi soir sur TF1 qu’il proposerait de taxer les revenus du capital des exilés fiscaux. Ceux-ci devraient s’acquitter auprès du fisc français de la différence entre l’impôt qu’ils versent à l’étranger et celui qu’ils verseraient en France.
La plupart des deux millions d’expatriés français qui ne perçoivent que leur salaire seraient épargnés, cette mesure ne s’appliquant qu’aux dividendes, plus-values et intérêts, a pris soin de préciser Nicolas Sarkozy.
Une foule de conventions à renégocier.
Le président-candidat, qui s’évertue à se départir de l’image de « président des riches » que lui colle ses adversaires, juge « profondément choquant » que l’on « puisse avoir la nationalité française et s’exonérer de la fiscalité française« .
Interrogé lundi soir à Bruxelles, dans la foulée de l’annonce présidentielle, le ministre des Finances François Baroin a estimé que ce « projet politique » pourrait « se faire rapidement, au début (d’un) nouveau mandat de Nicolas Sarkozy » même si « techniquement », cela passe par la renégociation des conventions fiscales qui lient la France à plus d’une centaine de pays.
« Il va falloir changer 110 ou 120 conventions fiscales avec des pays qui ne seront pas nécessairement enclins à les modifier parce qu’ils perdraient au change« , oppose Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes.
Ce nouvel impôt, ajoute-t-il, pourrait « contrevenir aussi à la Convention européenne des droits de l’homme dans la mesure où il pourrait être considéré comme une mesure discriminatoire ».
Troisième difficulté, selon lui: « dissocier juridiquement les exilés fiscaux des expatriés ».
Pour ce banquier d’affaires, « cette mesure paraît inapplicable et dans l’hypothèse où l’on y parviendrait, elle exigerait beaucoup de temps et d’énergie ».
Ancien directeur de la législation fiscale à Bercy devenu avocat fiscaliste, Michel Taly y voit lui aussi une mesure essentiellement « symbolique ». Pour être efficace, souligne-t-il, elle devra être assortie « d’accords d’assistance au recouvrement » avec les pays tiers.
Il faudra selon lui « 10 ans pour parvenir à des accords » même si, en commençant par la Belgique, le Luxembourg et la Suisse où se concentrent la plupart des exilés fiscaux, « on aura déjà résolu pas mal de problèmes« , admet-il.