« Le gouvernement ressemble à un gâteau dont on distribue les miettes ! »
François Bayrou, président du MoDem et maire de Pau, a estimé vendredi sur RTL que le remaniement gouvernemental intervenu hier ressemblait à une « manœuvre de replâtrage ultime à coups de débauchages pesés au millimètre ».
Pour écouter l’émission, suivez ce lien.
RTL – Bonjour François Bayrou.
François Bayrou – Bonjour.
Est-ce que vous êtes décidé à participer au concours de vacheries que l’on lit dans la presse ce matin sur le remaniement : « M. Bricolage, Replâtrage, Marchandage ». Est-ce injuste ?
Non, c’est absolument justifié. J’allais dire « hélas » car ceux qui pouvaient – ils étaient rares – mettre de l’espoir dans un énième remaniement ministériel à quelques semaines ou à quelques mois de la fin de cette période auront été eux aussi déçus profondément. Le gouvernement ne ressemble pas du tout à une équipe de combat rassemblée, solidaire et cohérente pour faire des choses très importantes. Cela ressemble à un gâteau dont on distribue les miettes ! Chaque courant, chaque sensibilité des différents partis qui sont censés composer la majorité reçoit sa petite rétribution. Cela donne un effet complètement désastreux.
Quand même François Bayrou, un ancien Premier ministre qui parle allemand, qui revient, qui va pouvoir parler d’Europe ! Trois écologistes qui reviennent ! C’est bien que le rassemblement de la gauche est possible !
L’idée de la Vème République qui a été définie par le général de Gaulle était que les gouvernements échappaient aux partis politiques et à leurs rivalités internes. Là, regardez ce qui se fait : on prend une écologiste du courant EELV et puis deux responsables qui sont sortis d’EELV pour aller créer un autre mouvement… Tout ça, ce sont évidemment des dosages…
Et Jean-Marc Ayrault qui parle allemand, c’est bien, non ?
Il y a trois semaines, Jean-Marc Ayrault n’avait pas de mots assez cruels pour le gouvernement de Manuel Valls et il se retrouve numéro deux sous l’autorité de Manuel Valls après avoir été Premier ministre ! L’impression générale est catastrophique. On a le sentiment d’un système totalement usé, totalement à bout de souffle à qui on essaie une ultime fois d’insuffler un peu d’énergie alors qu’il n’en a plus et ne peut plus en avoir.
Je constate qu’il reste quand même dans le gouvernement Manuel Valls, Jean-Yves Le Drian, Bernard Cazeneuve, Ségolène Royal et même Jean-Jacques Urvoas qui est moins volcanique que Christiane Taubira. Tout le monde s’exprime ce matin comme s’il n’y avait que des branquignoles dans ce gouvernement !
C’est un mot que je n’ai pas utilisé mais la manoeuvre en elle-même – pas seulement les personnes – apparait comme une manoeuvre de replâtrage ultime à coups de débauchages pesés au millimètre. Vous voyez que tout ça ne ressemble pas du tout à l’énergie qu’il faudrait ! Tout le monde se rend compte que la situation du pays devrait mobiliser toutes les inquiétudes et toutes les volontés. Or, ce n’est pas du tout de cela dont il s’agit. Je trouve que c’est une manoeuvre de fin de cycle alors que tout est usé et épuisé. De ce point de vue, cela ne va pas apporter au gouvernement l’effet que les Français seraient en droit d’en attendre à un moment particulièrement important de leur histoire.
Manoeuvre de IVème République ?
Oui, cela ressemble à ça. La IVème République est morte car les gouvernements étaient dépendants des partis et des combinaisons parlementaires. Ce que l’on est en train de faire là est exactement la même chose : des gens sont choisis non pas pour ce qu’ils sont, non pas pour leur vision, leur volonté ou pour ce qu’ils peuvent entraîner d’énergie mais en fonction de la nuance qu’ils représentent dans le parti d’où ils viennent ! C’est évidemment le contraire de ce que l’on peut espérer pour un pays qui choisirait de se mettre sur le chemin du redressement.
Est-ce qu’il n’y a quand même pas des bonnes choses ? Vous qui nous parlez de Pau ce matin, vous croyez à la région, au local. Organiser par exemple un référendum local sur l’avenir de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, n’est-ce pas une bonne décision ?
C’est le seul point sur lequel je trouve que François Hollande s’est rendu à la réalité. Il va trouver un chemin de sortie de crise. Cela promet une campagne chaude. On ne sait pas dans quel périmètre on va voter – en tout cas, moi je ne l’ai pas entendu ou compris -. Est-ce que c’est le périmètre du département de la Loire-Atlantique ? Est-ce seulement la commune de Nantes ? Est-ce plus large ? On ne sait pas, ce n’est pas défini pour l’instant. Sur ce point en tout cas, moi qui me suis toujours opposé comme vous le savez à cet aéroport dont je trouvais que c’était un investissement inutile, trop cher et qui allait gaspiller des lieux et des régions qui étaient préservés du point de vue écologique; je pense que c’est un chemin de sortie de crise.
Sur un grand sujet qui est l’emploi, François Hollande nous promet une flexi-sécurité à la française. Est-ce que cela vous fait sourire ?
Cela ne me fait pas sourire. Le mot « flexi-sécurité », nous l’avons entendu à peu près 500.000 fois depuis 15 ans. L’expression a été utilisée par à peu près tous les gouvernements et commentateurs depuis des décennies. Est-ce que cela recouvre quelque chose de sérieux ? J’ai beaucoup de doutes sur ce point. Mais j’ai été encore plus inquiété parce que, dans le courant de son intervention, François Hollande a expliqué que la formation qu’il allait offrir à plusieurs centaines de milliers de chômeurs – j’attends encore de voir comment cela va se faire et pourquoi cela ne s’est pas fait depuis trois ans si c’était la clef de tout – durerait « un mois ou deux mois ». Est-ce que vous croyez qu’avec une formation d’un mois ou deux mois, on apporte quelque chose de sérieux à des gens qui sont au chômage depuis longtemps ? Évidemment non ! Tout cela est du cosmétique, un maquillage pour essayer de sortir des statistiques des personnes qui sont au chômage, pour les mettre quelques mois en formation de manière à faire baisser artificiellement la courbe. Ce que je dis n’est pas un scoop ! Tous ceux qui nous écoutent savent exactement ce dont il s’agit. Cela ne ressemble pas du tout aux orientations fortes qu’il faudra prendre pour que ce problème soit traité comme il mérite de l’être et que la France retrouve un chemin qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
Merci François Bayrou !